Falco peregrinus
Description de la famille :Le mot faucon vient du latin Falco qui signifie faucon, lui même dérive du mot falx qui signifie "faux", par allusion à la forme des ailes en forme de lame de faux.
Identification :
Posé, le faucon pèlerin paraît "compact", plus court et relativement plus large d'épaules que la buse variable, il est aussi sensiblement moins volumineux. En fait la femelle a la corpulence d'un gros ramier, alors que le mâle, 1/3 plus petit (d'où son nom de "tiercelet") a celle d'un pigeon domestique. Ce terme de "tiercelet" est emprunté à la fauconnerie, il désigne à l'origine le mâle du pèlerin, exclusivement, mais depuis plusieurs décennies il est généralisé au mâle de tous les rapaces.
La tête ronde, assez volumineuse par rapport au corps, paraît relativement plus petite chez la femelle que chez le mâle. Elle est noire chez l'adulte, brun plus ou moins sombre ou roussâtre chez les jeunes de moins de 1 ans
Les joues sont marquées d'une large tache noire en forme de "favoris".
La moustache - commune à toutes les variétés de faucons - est particulièrement large chez le pèlerin ; la tête noire et les larges moustaches donnent l'impression que l'oiseau est casqué.
Le bec est courbe, court et pourvu d'une denticulation à la mandibule supérieure qu'on observe chez tous les faucons. Cette sorte de "dent" permettrait aux faucons de tuer plus facilement leur proie en coupant les ligaments et la mœlle épinière, lorsqu'ils la mordent au niveau du cou après la capture
Le plumage des deux sexes est sensiblement le même. Le dos est marron plutôt uniforme chez les jeunes, gris chez les adultes. Cependant, le mâle est souvent plus clair que la femelle dont les couleurs tendent vers le gris anthracite plus ou moins teinté de brun. Chez la femelle, le contraste clair à la base de la queue est moins marqué que chez le tiercelet. Les parties inférieures sont chamois, ponctuées de "larmes" marron chez les jeunes, blanc à blanc roussâtre barrées aux flancs et les faces inférieures chez les adultes. Le mâle, plus souvent que la femelle, a la gorge claire uniforme ou peu marquée, alors que celle de la femelle est généralement parsemée de grosses taches noires. À distance, le mâle paraît donc plus contrasté - blanc et gris - sur les parties inférieures, au contraire de la femelle qui paraît de teinte plus uniforme, claire ou roussâtre, mais fréquemment plus roussâtre que les mâles.
La cire (cette peau qui recouvre les pattes, la base du bec et le tour de l'œil) est jaune-maïs chez les adultes. Chez les jeunes elle est bleue, pour ce qui concerne la cire du bec et le tour de l'œil. Celle des pattes est bleue à jaune verdâtre et évolue progressivement au jaune terne au cours des mois qui suivent l'envol.
Chant : Le faucon pèlerin huit, réclame
Hors période de nidification, le pèlerin est habituellement silencieux, en
revanche de mi-février à fin-juin (période de reproduction), et plus
particulièrement lors des pariades
(février-mars), il est très démonstratif et bruyant. Perchés dans le site de
reproduction, le mâle aussi bien que la femelle, émettent des cris longs et
traînants qui pourraient constituer le "chant".
En vol ou posés sur l'aire ou ses abords, les faucons produisent de nombreuses
émissions vocales brèves et "claquantes" (les "Tsicks") qui
indiquent un haut niveau d'excitation en particulier à l'approche d'un
congénère. S'il est dérangé ou se sent menacé, durant la période de
reproduction, le pèlerin "alarme" : cri bref, haché et répétitif
"kré, kré kré..."
Habitat : Le faucon pèlerin est un oiseau rupestre. Il utilise les falaises
aussi bien comme point d'observation élevé pour la chasse que pour nicher. Ses
plus fortes densités se trouvent donc dans les régions riches en proies
potentielles et où les escarpements rocheux sont nombreux. En France, il est
cantonné aux falaises côtières de la
Manche, ou le long des fleuves de plaine (vallée de Seine par
exemple) et jusque vers 2
000 m d'altitude dans les Alpes. Quand les populations
rupestres sont à saturation, le pèlerin investit carrières et constructions
humaines élevées, jusque dans les grandes agglomérations ou dans les arbres,
pour se reproduire. Il niche même parfois au sol, en particulier dans la
toundra arctique. Distribution : Le faucon pèlerin est cosmopolite. On le trouve dans toutes les parties du monde, exceptées les régions à très faible ou très forte hygrométrie (déserts secs et froids de l'arctique, secs et chauds du Sahara, Gobie et Australie Centrale). Dans ces régions à faible hygrométrie il est remplacé par les faucons "de désert", les hierofalcos (gerfaut, sacre, lanier, laggar, faucon brun, faucon de prairie). Dans les forêts tropicales humides et la Nouvelle-Zélande sa niche écologique est occupée par des espèces voisines, mieux adaptées à ces conditions climatiques particulières (faucon à poitrine orangée en Amazonie, Taita en Afrique Equatoriale, ou faucon de nouvelle-zélande.
Comportements : Le faucon pèlerin est remarquable par ses capacités de vol.
En période nuptiale, les deux partenaires se livrent à des jeux aériens : poursuites, piqués vertigineux, loopings, tout à fait spectaculaires. Lors de piqués verticaux de très grande hauteur, sa vitesse peut dépasser 350 km/h. La femelle plus lourde atteint des vitesses plus élevées, bien que le tiercelet, du fait de sa petite taille, donne l'impression d'être plus rapide.
En chasse, à la suite d'un vol plané ou d'un vol battu "de placement" qui peut se poursuivre sur plusieurs kilomètres, le faucon referme ses ailes pour l'attaque terminale. Ce piqué "ailes fermées" est le plus souvent réalisé selon des angles compris entre 30 et 40-50° sous l'horizontale. Lors de ces attaques, le temps de descente, ailes plus ou moins collées au corps, n'est pas suffisant pour que la vitesse puisse dépasser 150 à 250 km/h. Cependant, il arrive parfois, lors de piqués de chasse verticaux de plus de 1km - très rarement observés - que la vitesse puisse vraisemblablement dépasser les 350 km/h, comme le montrent des mesures faites en soufflerie (Tucker et Cade) ou sur des faucons lâchés depuis un avion (Ken Franklin).
En fin de piqué la trajectoire est plus ou moins horizontale ou montante, de sorte que la proie est abordée par derrière dans l'angle mort de la queue.
Si la proie n'a pas repéré l'arrivée du faucon, elle est soit liée - c'est à dire prise directement dans les serres - soit buffetée - c'est à dire frappée au passage par les serres tendues en avant, et non pas avec le bréchet comme cela a pu être dit parfois. Dans ce cas, le faucon "ressource" vers le ciel et pique de nouveau pour capturer la proie en train de tomber. En tous cas dans les derniers mètres, le faucon se redresse presque perpendiculairement à la trajectoire, serres tendues en avant au niveau du bec (ce mouvement provoque un bruit de "souffle" très puissant et impressionnant). Si la proie est buffetée, elle est tuée voire disloquée par le choc. Si elle est liée, le contact reste assez violent pour que l'oiseau capturé soit tué ou étourdi sous le choc. Dans tous les cas, après la capture, la proie est mordue au cou pour être tuée. Quand elle est de petite taille, elle peut être plumée et mangée en vol, sinon le faucon la transporte jusqu'à la falaise pour la plumer et la manger. Quand le faucon est rassasié et que sa proie n'est pas totalement consommée, les restes sont cachés dans une anfractuosité ou derrière une touffe de végétation dans la falaise.
Le taux de réussite des attaques varie considérablement d'une région et
d'une période de l'année à l'autre. Les plus forts taux - environ 1 prise pour
5 à 10 attaques - sont observés lors d'attaques au dessus de plans d'eau où les
proies n'ont pas de refuge possible. Mais généralement, le taux de capture est
plus proche de une prise pour 15 attaques, en moyenne.
Les couples sont très attachés à leur territoire, mais ce sont surtout les
mâles - les tiercelets - qui sont les "propriétaires" du site et qui
le défendent contre les intrus. Les femelles quant à elles sont moins attachées
au site et peuvent selon les cas changer de site et de partenaire d'une année à
l'autre. En revanche du fait de leur forte corpulence, se sont surtout elles
qui défendent le site et la nichée
contre les intrusions de prédateurs potentiels. Les attaques défensives sont
généralement accompagnées de cris d'alarme, alors que les attaques
territoriales vis à vis d'un autre pèlerin sont accompagnées de
"ticks" sonores et répétés. Qu'elles soient territoriales, ou
défensives, quand les 2 partenaires sont présents dans le site, ils participent tous deux aux attaques, le
tiercelet étant le plus agressif vis-à-vis d'un autre tiercelet et restant plus
en retrait quand il s'agit d'une attaque défensive interspécifique. Vol : En vol battu, les ailes coudées vers l'arrière (en forme de lame de faux) paraissent pointues. Les battements d'ailes sont rapides - 5 à 6 par seconde - et de faible amplitude quand il s'agit d'un vol de déplacement ordinaire. Ce vol est entrecoupé de courts planés. Au contraire quand il s'agit d'un vol d'attaque, les battements, tout aussi véloces, sont de très grande amplitude et accélérés jusqu'au moment où le faucon replie les ailes pour le piqué terminal.
En vol plané, si le vent est assez portant, les ailes sont coudées vers l'arrière, la queue pratiquement fermée ; l'oiseau présente alors l'allure d'une grande hirondelle, ou selon la comparaison de Paul Géroudet, la forme d'une ancre de marine. En revanche si le vent est moins portant, la queue est totalement déployée en éventail et les ailes pratiquement droites à l'horizontale du dos, l'oiseau a alors l'aspect d'une croix. Chez les femelles, plus lourdes et "denses", le bout de l'aile fait souvent un angle en pointant vers le haut à partir du poignet.
Nidification : En France, le cantonnement des couples débute avec les premiers beaux jours de février (quelquefois mi-janvier), et culmine début mars. Les accouplements commencent environ 2 à 3 semaines avant la ponte. Comme les nocturnes, les faucons ne construisent pas de nid. Ils pondent à même le sol sur une vire, dans un trou, une niche, ou un ancien nid de grands corbeaux ou d'un autre rapace. Le substrat sableux ou terreux qui recouvre le sol est gratté par l'un ou l'autre des deux adultes. Dans une falaise, plusieurs "emplacements" sont grattés, aussi bien par le mâle que la femelle, mais c'est la femelle qui, au dernier moment, fait le choix de pondre dans l'une ou l'autre des " coupelles de grattage" qui deviendra "l'aire".
La ponte comporte de 3 à 4 œufs, plus rarement 2 ou 5 (jusqu'à 6 exceptionnellement, seulement 2 cas connus). Les œufs, de couleur marron rougeâtre, sont pondus toutes les 48 à 72 heures. Si la ponte est détruite dans les premiers jours de l'incubation, une ponte de remplacement peut débuter 15 jours plus tard (capacité qui a été mise à profit lors du "projet pèlerin", initié en 1974 dans le Jura pour accroître la productivité naturelle de la population de faucons, décimée par la contamination par les organochlorés et les "désaérages").
Dans les quelques jours qui précèdent la ponte, le ventre de la femelle est gonflé et l'oiseau ne vole plus guère, elle est nourrie par le tiercelet.
L'incubation dure 30 jours, elle est assurée, grosso-modo, au 2/3 du temps
par la femelle et 1/3 par le mâle. Elle débute à la ponte de l'avant dernier
œuf (en général le 3ème) de sorte que les poussins éclosent pratiquement tous
le même jour à 24 heures près. Au cours de leur première semaine, il n'y a pas
de différence de taille entre mâles et femelles. À l'éclosion, les poussins
sont recouverts d'un premier duvet blanc
très fin, qui sera remplacé par le deuxième
duvet,
beaucoup plus dense et épais, à partir du 15ème jour.
L'élevage :
Si les conditions météorologiques sont bonnes, la femelle ne quitte pas ses jeunes durant la première semaine. Elle reste sur eux pour les garder au chaud, plus ou moins allongée et de plus en plus redressée au fil des jours. Si tout se passe normalement, le mâle chasse et apporte les proies à l'aire. C'est la femelle qui dépèce et distribue la nourriture, mais le mâle est tout à fait capable d'assurer aussi cette tâche, quand la femelle le laisse faire.
Vers le 15ème jour les jeunes se couvrent du 2ème duvet, dont ils sont entièrement recouvert le 20ème jour. Ce duvet très dense et épais, permet aux fauconneaux de résister par eux même aux faibles températures. La femelle les laisse alors de plus en plus souvent et longtemps seuls tout en restant à proximité pour les protéger le cas échéant, à la condition que le mâle s'acquitte correctement de sa tâche, l'apport de proies. Si pour une raison quelconque - tiercelet mauvais chasseur, " paresseux ", conditions météorologiques défavorables - la femelle peut quitter le site et aller chasser par elle-même. La nichée laissée sans protection et alors à portée d'autres prédateurs, le grand corbeau, entre autres.
On a observé quelques fois qu'une deuxième femelle, généralement une immature, se fasse accepter par le couple nicheur et participe aussi bien à l'incubation qu'au nourrissage des jeunes.
Régime : Il n'est pas possible de donner un régime bien précis, celui-ci variant considérablement d'une région et d'une période de l'année à l'autre.
Ornithophage, le pèlerin ne chasse pratiquement que des oiseaux capturés en vol. Toutefois il lui arrive, comme tous les oiseaux, de capturer aussi de gros insectes en vol - hannetons par exemple - ou des chauves-souris et de façon anecdotique des rongeurs.
Le mâle, plus petit, se contente de proies dont la taille varie de celle de la mésange à celle du geai, voir du pigeon colombin.
La femelle, plus corpulente, capture des proies dont la taille varie de celle du merle à celle du pigeon ramier, rarement plus gros. La capture de canards, ou même d'oies et de hérons, a été mentionnée, mais ces captures sont tout à fait exceptionnelles et le fait d'oiseaux nordiques - plus corpulents - sur leur parcours migratoire, donc non "tenus" de ramener à la falaise, la proie qui est mangée sur place. Ces proies exceptionnelles mises en avant, ont souvent donné une fausse idée de la réalité du régime alimentaire du faucon pèlerin, en sur estimant ses capacités de chasseur.
Protection / Menaces : Dans les années soixante, l'usage massif de pesticides organochlorés en l'agriculture - DDT, Heptachlore, Lindane, etc... - a entraîné un déclin spectaculaire de l'espèce dans la plupart des régions du globe. En France, le pèlerin ne subsistait plus que dans les régions montagneuses les moins touchées par la pollution chimique - Jura, Alpes, sud Massif Central, Pyrénées, Corse.
De nos jours, le prélèvement des œufs et des jeunes pour leur utilisation et leur commerce, a pratiquement disparu grâce au bannissement des pesticides organochlorés et à la reproduction des rapaces en captivité qui permet de satisfaire à la demande.
Aujourd'hui, la plus grande menace est l'envahissement des sites de nidification traditionnels par des activités touristiques à caractère sportif - escalade, vol libre, etc... Autrefois inaccessibles les sites les plus remarquables, ceux qui précisément ont permis à l'espèce d'échapper à l'éradication, deviennent le terrain de jeu de citadins en mal de nature ou de sensations fortes.
De plus, l'expansion accélérée des populations de grand-duc constitue un facteur naturel aggravant. Les couples cantonnés, perturbés par la présence du grand nocturne, abandonnent la ponte et disparaissent du site, soit parce qu'ils tentent d'échapper à la prédation, soit parce qu'ils sont tombés sous les serres du grand-duc.
Cette situation ne serait pas catastrophique - le grand-duc et le pèlerin se côtoient depuis des millénaires - si les pèlerins disposaient encore des sites "refuges" leur permettant d'échapper à la prédation. Malheureusement, ces "refuges historiques" sont aujourd'hui bien souvent "stérilisés" par les activités de plein air mal contrôlées.